Bora... le plus beau lagon du monde !
Lundi 11 août – A bord de Kaina II qui fait route au sud de Bora-Bora
C’est décidé. Même si tout le monde vient à Bora-Bora pour se prélasser sur les plages, les doigts de pied en éventail, nous, nous irons grimper au sommet du mont Pahia à 661m d’altitude. Nous en parlons avec Tony et le programme se précise. Nous lèverons l’ancre demain matin à 6h30 et Tony nous déposera à 7h au quai de Vaitape, le village principal de l’ile. Les garçons prendront leur petit déjeuner au port avec leur capitaine préféré et Lovely et moi partirons à l’ascension de cette balade annoncée sur le guide comme étant réservée aux « bons sportifs ». Le chemin est indiqué « raide et escarpé ».
Nous ne serons pas déçus...
Au réveil, le ciel n’est plus aussi dégagé qu’hier soir. Clair et lumineux mais des nuages sont présents et un gros chapeaute le sommet. Nous y allons tout de même, amarrons Kaina II au quai et Tony nous débarque à l’heure convenue. Il nous accompagne jusqu’au départ du chemin et file gentiment chercher du pain frais pour les garçons qui prendrons un bon petit déjeuner à bord.
Il est constant en Polynésie que les itinéraires ne soient pas fléchés, ni entretenus. Il est aussi d’usage de prendre un guide. C’est indiqué sur un large panneau au départ du chemin. Mais il paraît que c’est toujours tout droit. Donc pas compliqué. Au bout de 20 minutes de marche, nous nous retrouvons le nez contre une barrière rocheuse d’une dizaine de mètres. Pas de traces d’ascension, pas de cordes. Nous croyons distinguer un semblant de chemin au-delà. Plusieurs tentatives. Mais, nous glissons, il n’y a pas de prise. Nos jambes tétanisent rapidement sur ces frêles excroissances du rocher.
Nous sommes transpirants et avons déjà laissé ici pas mal de force. Continuer me semble trop risqué. Demi-tour. Nous sommes déçus de renoncer et surtout déçus de ne pas savoir si ce chemin était le bon… ou pas. En revenant sur nos pas, nous distinguons vaguement un semblant de carrefour. Deux petits sentiers. Un à gauche et un à droite plus marqué. Par conviction d’une certaine logique, nous prendrons celui de droite, a priori, plus emprunté. Très vite, le chemin se confond dans la nature. Nous cherchons et perdons encore du temps. Raté encore une fois, nous revenons à l’intersection. Il est déjà 8h20. C’est tard mais nous sommes là et n’allons pas rentrer bredouille au bateau. Go !
Très vite le sentier devient, comme annoncé, très escarpé, étroit et non entretenu. Il est raide et monte droit, à même la montagne. Nous sommes sous la végétation tropicale. Dense. Heureusement, quelques petits bouts de tissus jaunes jalonnent de temps en temps le parcours, nous rassurant sur notre progression. Passage de cordes, racines, marches, arbres qui barrent le fin couloir, pierres volcaniques, petites chutes d’eau, boue glissante, tout y est.
Je dois même m’armer d’un bâton pour enlever devant moi les toiles d’araignées qui sont tissées tous les 10 m. La chaleur devient vite difficilement tenable. Il fait très humide au cœur de la forêt. Lovely est épuisée et notre unique bouteille d’eau d’un litre et demi nous apparaît soudainement un peu juste pour la randonnée. Nous devions prendre des petits gâteaux et une canette de Coca mais malheureusement aucun de nous a pensé à les mettre finalement dans le sac…
Plus nous grimpons et plus le temps devient bouché. C’est probablement bon signe. C’est que nous montons et que nous sommes dans le nuage. Dans les quelques trouées, nous apercevons les récifs et les motus autour de Bora. Nous commençons maintenant à contourner le dernier éperon, comme Lovely l’avait lu dans son guide. Nous devons être cent mètres plus bas que le sommet mais nous hésitons à continuer. Il est quasiment 10 heures. Nous avions initialement programmé un retour au bateau vers 10h30. Lovely a laissé beaucoup trop d’efforts dans nos 2 premières erreurs de chemin et nos tentatives d’escalade. Nous décidons de continuer tout même, elle prend sur elle. Maintenant, nous escaladons dans un petit ruisseau rocailleux et glissant. Nous pensons essentiellement à la désescalade que nous serons contraints de faire en étant face à la pente. A nouveau des cordes. Je suis toujours devant et je check que les prises soient bonnes. Au moment où je tire violement sur la corde, elle cède net et emmène dans sa chute un morceau de pierre volcanique gros comme une balle de hand. Je l’évite et crie pour prévenir Lovely dessous. Juste le temps de mettre une main en avant et l’éviter dans un déhanchement digne d’un toréador. Ouf. J’escalade pour aller refixer la corde. Lovely monte encore un peu puis usée, elle décide de s’en tenir là. 20 mètres plus haut, nous distinguons un pin qui est aussi annoncé dans le guide comme étant proche du sommet. Je décide de finir seul. Lovely m’attend dans le ruisseau. Je pense que dans 10 minutes je serai de retour.
J’atteins rapidement l’arbre et le chemin bascule encore à droite. Je distingue le sommet dans le nuage qui, dans son mouvement, laisse de petites fenêtres de visibilité. La dernière montée est presque à pic avec une sangle attachée plus haut à une grosse corde. Elle me semble vieille et fatiguée. Je teste. Et renouvelle la vérification une seconde fois. Ca tient et j’y vais en l’utilisant uniquement en guise de sécurité. Je vois le sommet, il est là juste devant moi mais je progresse sans savoir vraiment comment je vais redescendre.
Il m’attire comme un aimant. Sommet ! Je suis dans le nuage. Pas de vue sur le lagon comme annoncée. Je sors l’appareil pour immortaliser ma tête au sommet et déjà je sens quelques gouttes.
Je fais un rapide texto à Tony pour l’informer de la position et du retard et pense à la redescente et à Didi plus bas. Vite, je me dépêche pour repartir immédiatement. Je vérifie la grosse corde sur son ancrage. Tout me semble parfait. La pluie redouble en un éclair et, déjà rincé par l’ascension, me voilà maintenant trempé. Je redescends en me servant davantage de la corde. Mes pieds se dérobent sans cesse sur le sol détrempé. J’essaie de retrouver chacune des prises utilisées il y a 5 minutes pour la montée. Je suis plus bas que la sangle et je me sers de toutes les prises que je trouve pour descendre le plus vite possible. Il n’y plus d’arbre depuis l’endroit où Lovely est restée et je m’agrippe aux herbes hautes que j’attrape par paquets pour que la résistance soit suffisante. Une glissade sur les fesses involontaire me rappelle à l’ordre. Je dois ralentir et redoubler de prudence. Je crie pour prévenir Lovely de mon retour. Elle me répond au loin. J’arrive à son niveau 15 minutes après l’avoir quittée et nous entamons prudemment la redescente dans le ruisseau. La désescalade, face à la paroi. Avec les mêmes cordes. Les grosses difficultés sont passées mais la descente est très longue et rendue délicate par la pluie qui a cessé mais qui a laissé place à un chemin aussi glissant qu’une patinoire. Nous tombons souvent et sommes couverts de terre et d’égratignures. Mais pourtant nous pressons le pas car nous devons arriver avant midi pour faire des courses avant d’embarquer pour nos trois derniers repas sur le bateau.
Nous finirons en courant le dernier kilomètre et à 11 heure 50, nous sommes sur la rue principale du village de Vaitape. Heureusement, la superette ne ferme pas à l’heure du déjeuner. Les gens nous regardent bizarrement. Nous sommes vraiment crottés de la tête aux pieds et maculés des traces de nos chutes répétées. Retour sur le quai avec nos courses, de la bière et une bonne bouteille de rosé pour fêter notre retour sur Kaina II. Une randonnée un peu folle. Sur un chemin « raide et escarpé ». Une balade effectivement pour « bons sportifs »…
A l’apéro Lovely dira que c’est la marche la plus éprouvante de sa vie, un chouette souvenir, un peu décalé, de cette île paradisiaque dédiée aux jeunes mariés…
Nous repartons et mettons le cap au sud. Pendant l’heure et demi de route, nous lavons nos chaussures et nos tenues en espérant que tout sera sec demain pour notre départ. Et oui, ça sent déjà un peu la fin de la croisière.
Nous mouillons à l’extrême pointe sud du lagon, à côté du motu Piti uu Utga.
Le temps se couvre au loin. Petits plongeons pour tous les 5, apéro sous le soleil et déjeuner sous un grain.
Nous racontons notre grimpette en détail.
Le ciel s’eclaircit et nous faisons une sortie snorkeling sur un très beau jardin de corail. Nous prenons le temps d’apprécier la magnifique diversité de poissons du spot. ça sent le dernier snorkeling… encore un petit dernier demain matin sur un spot où, si elles ont là, nous verrons des raies Manta. Comme pour finir en apothéose.
Pour la nuit, nous mouillerons une dernière fois dans le magnifique « turquoise », à l’extrême pointe sud du dernier motu au sud-est de Bora-Bora.
Nous avons maintenant fait un tour quasi complet du lagon qui ne peut laisser personne indifférent. Les nuances de turquoise, les patates de corail que l’on distingue à l’œil nu. Mais aussi les motu, ces îlots de sable blanc qui jalonnent le récif corallien tout autour de l’île. Et puis cette eau qui n’en finit pas d’être cristalline…
Le bateau est forcément un moyen de découvrir et de profiter au maximum de ce lagon extraordinaire, certainement le plus beau du monde.
Nous serons seulement déçus par ces constructions intolérables de bungalows sur pilotis qui font outrage à toutes les règles de respect de l’environnement. Ils forment, de manière regrettable, des barrières visuelles aux plages des motus et leur succession est un gâchis pour ce paradis terrestre unique.
Toutes les chaines hôtelières de luxe se sont pourtant bousculées pour construire sur le domaine maritime (me semble t-il public ??) ces successions de bungalows dont les pilotis en béton, en acier rouillé ou galvanisé jurent avec la pureté du décor. Certains hôtels ont construit ici des projets démesurés par rapport à la taille des motus mais aussi par rapport à la demande. Alors que nous sommes au cœur de la haute saison, nous avons constaté que le taux d’occupation est rarement supérieur à 30%. C’est dommage car les constructions sont soignées mais il aurait fallu les intégrer sur le front de mer, sans emprise sur le lagon, en les noyant dans les palmeraies naturelles… C’est la seule ombre au tableau. Vraiment la seule.
Pour finir la journée, je propose une partie de foot aux garçons et nous rejoignons la plage isolée de la Pointe Faroone avec l’annexe et le ballon.
Nous allons demander l’autorisation au propriétaire de la maison pour jouer là et traçons un beau terrain dans le sable blanc. Il n’y a que notre catamaran dans ce mouillage. Nous sommes un peu seuls au monde.
Dernier bain avec le coucher du soleil… concours de sauts et de « baleines blanches ». Grosses rigolades.
Tony prépare le barbecue et nous faisons griller les jolis filets de Mahi-Mahi achetés ce midi. El Gringo a préparé une pâte à crêpes ce matin pendant que nous étions en randonnée. Elles sont délicieuses et Tony est ravi.
La soirée est belle. A écouter Tony nous parler de son tour du monde, confortablement vautrés dans le carré, nous finirons la bouteille de vin californien tous les trois. Il nous dira son excitation et son appréhension de repartir dans 2 semaines, sa longue traversée jusqu’en Papouasie, les derniers préparatifs, ses réserves de nourriture, ses repas, son pilote automatique pour pouvoir dormir et son système radar si un autre navire devait croiser sa route, puis sa demande de visa pour l’Indonésie l’obligera à faire un stop. Son envie aussi de créer un business quelque part dans le monde en pensant qu’à 41 ans, il faut y songer maintenant pour subvenir à une retraite paisible. Il nous donne son adresse mail. Nous échangerons pour le suivre dans son périple et souvent, nous penserons à lui, seul sur son bateau. L’homme et la mer. C’est l’histoire de Tony, un marin breton, un vrai…
Victorinox