Le Salar. Jour 2 : De San Juan aux lagunes…
Il est 7h10, nous venons de remettre les sacs sur le toit des 4 x 4 pendant que le jour se levait tranquillement sur San Juan puis nous quittons le village. Il n’y en aura plus d’autre avant ce soir. Je suis installé à côté d’El Gringo et Lovely Planet sur la première banquette et The Artist et BG occupent la banquette arrière. Olivier, notre copilote, est assis à l’avant.
Alejandro est en forme ce matin, je me demande s’il n’a pas fricoté avec une des cuisinières de l’auberge cette nuit. Pour fêter ça, il met les gaz dès la sortie du village. Nous le motivons pour qu’il mette la patate !! Rigolade à bord, le soleil qui se lève derrière nous, réchauffe nos nuques dans la voiture, ça fait du bien car il fait froid et mettre le chauffage est impossible à cause de la poussière qui rentrerait à bord. Alejandro remet sa petite musique bolivienne, il chantonne. La piste est relativement confortable. Le Mac ne danse pas trop sur mes genoux.
Avant de vous parler du second jour de notre traversée du Salar, il faut que je vous parle de la soirée et de la nuit.
A notre arrivée devant l’auberge, nous déchargeons les sacs. Le village de 200 âmes est constitué de petites maisons sans étage, avec des toits presque plats à un seul pan et des murs de sel. Des moellons de sel. L’auberge était évidemment très sommaire mais avait un certain style traditionnel. Un petit poêle dans l’entrée et un autre dans une pièce fermée servant de salle commune. Nous nous y installons pour boire un maté coca, une infusion et manger quelques petits gâteaux secs. Après un moment d’incertitude et d’inorganisation dans la distribution des dortoirs, nous prenons possession du notre. 5 lits simples. Il y fait déjà très froid.
Une douche à 10 bolivianos chacun pour avoir droit à l’eau chaude dans l’unique douche de l’auberge. Et ça, « Ca remet le facteur sur le vélo » (pas vrai Christine ?). Une douche pour 30 personnes. L’auberge affiche complet. Nous sommes les p’tits vieux de la bande alors j’offre l’apéro à tous les français de notre groupe. 12 français répartis dans les 2 Toyota. Elliot et Auriane sont étudiants. En économie à la Sorbonne pour lui et en 3ème année de médecine pour elle. Philippine et Annabelle sont en 6ème année de médecine à Lille. Les parents de Philippine ont un appartement dans la station savoyarde de La Giettaz. Nous parlons un moment de notre beau domaine skiable commun, « Les Portes du Mont-Blanc ». Eliot, lui, va skier à Notre-Dame de Bellecombe… le ouf ! Olivier, notre copilote, sa sœur Marielle et son conjoint Hugo sont évidemment avec nous.
Une bouteille de bière et une de vin bolivien. Nous passons une agréable apéro et une bonne soirée, tous ensemble. Dans les faits, nous pourrions être les parents de presque chacun d’entre eux. Gautier, trop fatigué, nous abandonne à 21h pour aller se coucher. Nous, nous ferons un traditionnel petit rami à 4.
Arrivés dans notre dortoir familial, nous comprenons que la nuit sera difficile. Il fait froid. Nous nous équipons chaudement, collant et haut à manches longues Odlo, 2 couches de T-shirt et polo, polaire et chaussettes de ski. Charles et Augustin mettent les gants et leurs bonnets. Nous déplions notre sac de couchage, loué par l’agence, sur le lit et nous enfilons dans notre « sac à viande »… la propreté des draps est douteuse. Nous entourons nos oreillers, sans taie, et dont le blanc a tourné au beige grisé, avec nos chèches. Il fait très froid dans les draps, nous rigolons un peu mais nous serrons les dents. Il fait -15° dehors. Le réveil est programmé à 6h pour un petit déj à 6h30 et un départ à 7h.
La nuit ne sera pas bonne, vous vous en doutez… nous nous en doutions aussi. Gautier, en pleine nuit se plaindra du froid en gémissant. Je lui propose de venir se réchauffer dans mon lit et je ferai le radiateur tout le reste de la nuit… la place pour moi dans un lit simple sera limité et m’obligera à me coller au mur glacial qui donne sur l’extérieur… probablement un entrainement pour la nuit prochaine!
Le petit déjeuner, tous ensemble est bien calme. Personne n’a bien dormi.
A 8h, nous arrivons sur le Salar de Chiguana. Un Salar très peu salé, moins de 10% et dont les 90% de terre sableuse lui donne cette couleur moirée blanc cassé et beige. Face à nous, le volcan Ollagüe, volcan actif qui culmine à 5 865m. Le Toyota Land Cruiser flotte sur la piste qui semble onctueuse, le confort est total à bord. Petit à petit, Alejandro reprend ses bonnes habitudes. Après la musique, les effluves des feuilles de coca qu’il mastique aromatisent le véhicule. Nous traversons une voie de chemin de fer et sur notre gauche, au loin, le volcan Licancabur (5 960m), qui n’est plus en activité lui, se situe au Chili. Nous sommes à moins de 20 kms de la frontière.
Il est 9h, nous avons rejoint une piste plus large, empruntée par quelques camions qui soulèvent beaucoup de poussière qui, après leur passage, envahit l’habitacle. Le chèche sur le nez, nous patientons que la poussière retombe devant nous.
Nous longeons le volcan Ollagüe, majestueux. Ca donne envie de gravir un sommet à 6 000m. Ca semble réalisable… sauf le manque d’oxygène peut être ? Nous verrons ça plus tard. Pour le moment, nous quittons la piste principale pour rejoindre le « Mirador » du volcan. C’est un amalgame de roches volcaniques de formes hétéroclites et insolites. Photos. Les fumeroles se dégagent sur la gauche du volcan qui marque la frontière entre La Bolivie et le Chili. Nous mettons le cap vers les Lagunas, des étendues d’eau aux multiples couleurs.
Progressivement, le décor change, les buissons apparaissent, très espacés dans ce sol aride, mais au loin, cela donne l’impression qu’ils tapissent littéralement le fond de vallée.
Nous sommes entourés de volcans éteints et traversons successivement plusieurs lagunes asséchées. Et soudain, la Laguna Canapa. Une lagune d’un bleu profond, ourlée de blanc. C’est du Borax, et sa surface majoritairement gelée. Nous sommes à 4 150m d’altitude. Au milieu de la lagune une vingtaine de flamants roses. La luminosité de ce milieu de matinée rend le site stupéfiant.
El Gringo voudra tester la glace au bord de la lagune et évidemment la glace… rompit. Lorsqu’il ressort sa chaussure, elle sera remplie d’une vase malodorante… il finira la journée avec 2 chaussures différentes… le temps que l’autre sèche accrochée à la galerie du Toy.
Des lamas broutent les quelques buissons présents au bord de la lagune. Puis, nous verrons une succession de lagunes. La suivante est grande et pleine de flamants roses.
Puis lui succède la Laguna Chercota qui, au loin, prend une couleur rosée. Moins gelée que la précédente, l’étendue d’eau est plus importante et les montagnes se reflètent sur elle comme un miroir.
On reprend la piste et croiserons quelques vigognes (une variété de lama et précisément celle qui est représentée sur le drapeau du Pérou). Plus loin, une nouvelle lagune, plus petite avec un îlot central, la Laguna Honda entourée par les montagnes.
Il est 11h30, nous roulons sur une lagune asséchée. Tout est beau autour. Nous filons rapidement vers le nord, Une course s’improvise avec le Toyota des 6 autres français piloté par Tito, le patron de l’agence. « Pero Alejandro es el mejor piloto del mundo !! ». Nous les traçons grave ! Alejandro semble s’entraîner pour le prochain Dakar. Tout le monde a hâte d’arriver pour le déjeuner de ce midi. C’est vraiment beau. Difficile de vous décrire tout ce que nos yeux découvrent tant c’est varié et toujours si magique !!
La piste était immense il y a encore 2 minutes, et nous voilà soudain sur un passage étriqué entre 2 montagnes. Passage technique. Alejandro assure comme un chef !
Le chemin se transforme en canyon. C’est l’endroit choisi par les guides pour faire la pause déjeuner. Ils ont tout préparé ce matin dans les cuisines de l’auberge. Des pâtes, des légumes vapeur et des escalopes de poulet à la milanaise. Dans ce canyon, où l’eau qui circule au milieu de la piste est gelée, c’est un festin de roi.
Il est 13h, on sort du canyon à pied et on a l’impression d’être en Arizona. Nous guettons l’apparition d’un apache…
Nous remontons dans le Toy et après les roches du canyon, le sable et le Land flotte à nouveau. Confort absolu. Pas un bruit. Maintenant, c’est la caravane de touaregs que nous guettons. Incroyable. Dans le 4 x 4, nous sommes tous subjugués. On voudrait tellement que vous soyez tous là pour voir le spectacle. Mais, ça ne s’arrêtera donc jamais….??
Au sommet de la dernière dune, la montagne aux sept couleurs nous apparaît. Nous sommes sur un immense plateau. Ce n’est pas le même 360° qu’à Combloux mais c’est complètement dingue. Je ne trouve pus les qualificatifs, désolé.
Nous roulons sur cette étendue immense, mélange de sable, de cailloux et de roches, bordée de part et d’autres par des montagnes aux couleurs aussi variées que sublimes.
Au loin, nous apercevons quelques blocs plantés au milieu du désert. Plus nous nous approchons et plus ces blocs énormes sont séduisants. L’un deux revêt une forme étrange, sculpté par le vent qui souffle sur ce plateau à 4 500m d’altitude. C’est l’ « Arbol de Pierra ». C’est aussi singulier qu’ahurissant.
Les garçons escaladent les blocs les plus hauts. Photos et pause pour nous dire ensemble que ce que nous voyons est peut-être le plus beau spectacle depuis notre départ tant par la richesse, l’abondance et la variété. Nous avons trop de chance !!
A peine repartis que de nouveaux paysages apparaissent. Cette fois-ci, ce sont des pierres volcaniques grises qui se sont perdues dans le désert. Pourquoi là, pourquoi uniquement là ? Les névés sur les contreforts des montagnes sont surprenants aussi. De la neige, synonyme de froid et du sable, synonyme de chaleur, cohabitent ici. C’est vraiment surprenant !!
Il est 14h30 et nous voyons au loin une nouvelle Lagune. La Laguna Colorado. Celle-ci est encore plus belle que les autres. Comme son nom l’indique, cette lagune prend plusieurs reflets notamment à cause des micro organismes qui sont présents dans l’eau et lui confère cette diversité de couleurs.
Il est 15h15. Nous contournons la lagune. Elle est sur notre gauche et sur notre droite, le paysage est lunaire. Sable gris et cailloux gros comme le poing, de la même couleur que le sable parsème le sol. Nous faisons un stop au mirador de la lagune pour prendre des photos. Puis, nous descendrons au bord de celle-ci. Encore du borax…
Il est 16h. Nous filons rejoindre notre refuge. Alejandro nous annonce que ce soir la température devrait tomber à -25°… ça promet car l’auberge d’hier était a priori grand luxe à côté du dortoir de ce soir. Nous prévoyons de dormir habillés avec nos doudounes et nos gants dans les sacs de couchage loués par l’agence. L’électricité, fournie par générateur, ne devra être disponible que jusqu’à 21h maxi. Espérons car la batterie du téléphone n’a pas supporté les 300 clichés de la journée et est presque vide. On verra bien. Le clavier du Mac est tout poussiéreux, comme l’appareil, comme l’intérieur du Land, comme nous tous. Nous sentons nos cheveux rendus poisseux par le vent, la poussière, le sel et le sable. Nos visages et nos mains sont sales… et il n’y a pas de douche. Nos vêtements sont pleins de poussière aussi. Il fait déjà froid à 16h alors que le soleil est encore au-dessus des montagnes qui nous entourent au loin. On devrait en baver un peu car les baraquements sont très rudimentaires.
On y arrive. Nous les distinguons au loin. Les baraquements et rien d’autre. Un sol lunaire. Et seulement ces baraquements. Et nous. Seuls avec le froid.
A demain.
Victorinox