Mardi 12 août – Sur la terrasse du restaurant Maikai sur le port de Bora-Bora. Petite musique de lounge bar dans les oreilles…

Le catamaran quitte le quai de la station Total où nous étions amarrés pour avitailler. Le ciel est clair et gris, l’atmosphère chaude et humide, nos yeux tristes et mouillés. Une fois que Tony ne voit plus nos visages… nous pleurons tous les 5. Par discrétion, chacun de nous le fait dans son coin où derrière ses lunettes de soleil. Pas un mot, juste des larmes qui perlent sur nos joues. Moi, je me pince les lèvres pour résister mais en vain. Surement des larmes de bonheur. Nous savons tous que nous ne reverrons pas de si tôt tout ce que nous yeux ont tenté de digérer durant ces 5 jours. Trop de turquoise, trop de poissons, trop de silence, trop de bons moments dans le cockpit arrière, trop de bons temps allongés dans le trampoline, trop de fous rires, trop de stupéfaction à la vue des raies Manta ce matin à 7h du mat’, trop bien, trop bon, trop top… 5 jours, c’était presque trop peu. Pas le droit de l’écrire et pourtant… Les garçons nous serrent dans leurs bras. Merci beaucoup. Des remerciements profonds. Ils ont adoré. Je savais avant de partir que ce bout de voyage les séduirait. Je ne m’attendais pas aux larmes. C’est réussi !

Nous nous sommes commandés une bonne bouteille de rosé dans ce superbe petit restaurant face au port que nous avons rejoint à pied depuis le quai, nos gros sacs sur le dos, les petits en position ventrale. Le trip continue.

Nous sommes assis autour d’un mange debout. Les garçons profitent de la piscine du restaurant et nous du mauvais réseau internet pour télécharger nos mails, reprendre contact… doucement. Notre émotion est encore intacte. Nous reparlons avec Lovely de ces 5 jours passés. Une seule conclusion. Si vous le pouvez un jour, c’est une expérience unique que nous ne pouvons que vous conseiller de faire. 

Tout a commencé ce matin. J’étais réveillé à 6h. Notre couchette était éclairée par le jour qui se levait. Toujours le même rituel. Je pousse sur mes bras pour me hisser à la hauteur des deux hublots pour voir le soleil qui se lève et éclaire les nuages. La pluie annoncée n’est pas encore au rendez-vous. J’attends un quart d’heure à contempler. Lovely dort. Je sors discrètement de la cabine et monte au carré trier les photos de la veille. L’appareil n’arrête pas depuis quelques jours et sélectionner les photos prend du temps. A 6h30, Tony émerge. Nous avions prévu de lever l’ancre très tôt pour rejoindre le spot des raies Manta. Une passe, où elles viennent le matin se faire nettoyer par les petits poissons. A peine avons nous le temps de nous dire bonjour que nous sommes déjà en route. Les yeux encore tout embrumés par la nuit. C’est le bruit des moteurs qui réveillent doucement le reste de la tribu des Pic-Pic.

Vingt minutes de navigation et nous sommes sur site. Annexe à l’eau, nous approchons du spot. Un piquet est planté sur une patate de corail, nous passons le bout de l’annexe autour pour l’immobiliser. Bascule arrière. Il est 7h du matin et nous sommes déjà à l’eau. Deux autres petits canots arrivent déjà avec quelques plongeurs à bord. L’eau est, comme d’habitude très claire. Les fonds coralliens sont spectaculaires. Nous avançons dans la passe avec environ 15 à 20 mètres sous nos palmes. Rien en vue. BG, avec son gilet de sauvetage pour plus de sécurité, palme à mes côtés. Nous nous tenons la main et nous arrivons à nous parler malgré nos tubas en bouche. Après dix minutes d’attente à explorer les autres poissons du lagon, El gringo sort la tête de l’eau avec des yeux exorbités. Il nous indique qu’il y a une raie, là, juste devant nous. Nous replongeons nos masques dans l’eau et cherchons quelques secondes. Nos cœurs battent la chamade. Et ce n’est pas une mais deux puis trois raies Manta, géantes, imposantes, majestueuses, qui déploient leurs nageoires juste sous nos yeux. Gautier ressort la tête de l’eau, excité come une puce, pour me dire : « Elle est énorme !! ». En effet, elles mesurent plus de 3 mètres d’envergure et avec les masques, nous semblent gigantesques. Très vite, une fois nos maques à nouveau dans l’eau, nos cœurs se calment tant ces poissons invitent à l’apaisement. On dirait des danseuses étoiles. Des mouvements sereins, lents. Elles sont gracieuses. On en prend plein la vue pendant un long moment, peut être 5 longues minutes pendant lesquelles les raies font des rondes sous nos palmes. Magique.

Dommage qu’un plongeur, armé de sa GoPro, se soit pris pour le commandant Cousteau. Voulant absolument épater ses amis en leur rapportant des images qu’il croit inédites, des images pourtant disponibles sur le net et sur YouTube, a décidé de plonger sur les raies. La sanction est immédiate. Les raies ont, d’un coup de nageoires, pris la poudre d’escampette. Disparues aussi vite qu’elles étaient apparues. Nous le fustigeons du regard. Il écourte le spectacle grandiose qui se jouait devant nous. Nous, ces gars là, nous les traitons de « bolos » !! Retour à l’annexe tranquillement avec Tony qui nous avait rejoint. On parle du spectacle… et du bolos puis regagnons Kaina II. Ces images des raies Manta, nous les gardons dans nos yeux, à jamais.

De retour dans le catamaran, nous prenons un vrai petit déjeuner copieux.

Puis chacun s’affaire à préparer son gros sac, faire un ballot de linge avec ses draps, ses serviettes de bains et serviettes de plage, finir la vaisselle, vider ses poubelles, fermer les hublots de sa cabine… ça sent vraiment la fin. Tony nous permettra de profiter d’un dernier bain de mer, un dernier bain de plaisir.

Du plaisir que nous partageons avec un concours de plongeons. Nous sommes en communion. Dernière photo de famille sur Kaina II.

Puis vient la douche, ce dernier petit rituel quotidien qui nous a tant plu. Comme les vrais marins, nous nous shampouinons sur le pont arrière, plongeons pour nous rincer et remontons pour une ultime rincette à l’eau douce. A bord, nous économisons la ressource.

Je fais les dernières photos debout sur la poutre à l’avant du catamaran, adossé au génois. Ce sont les derniers milles aussi. Le film de ces 5 jours à bord de Kaina II défile à toute vitesse dans ma tête. Si seulement, on pouvait rembobiner un peu.

Nous amarrons au ponton de la station Total. Tony nous offre des colliers de coquillages.

Une poignée de main ferme. Il largue les amarres. Kaina II s’éloigne. Tony est seul à bord. Nous, seuls sur le quai. La suite, vous la connaissez et nous aussi…

On avait trop de chance et on vous aime. 

Victorinox… qui se demande si le « fiu » n’est pas une bonne chose ?